Journée de l’enfant africain: « Nous devons garantir que les droits des enfants burkinabè sont respectés »

Écrit par Wendyam Micheline Kaboré, Directrice Exécutive de IPBF

Le Burkina Faso, pays de l’Afrique de l’Ouest francophone de plus de 20 millions d’habitants ; 51,7% de femmes et de 48,3% d’hommes. Cette population majoritairement jeune, se répartie comme suit : les moins de 15 ans représentent 45,3% tandis que 64,2% de la population a moins de 24 ans et 77,9% a moins de 35 ans.

A l’occasion de la journée de l’enfant africain, l’IPBF saisie cette opportunité pour lancer un appel vigoureux aux mouvements internationaux des droit humains, aux acteurs au développement, aux dirigeants burkinabè.

L’impact de cette crise sécuritaire installée au Burkina Faso depuis 2015, combiné aux crises sanitaires et alimentaires ont obligé des millions de personnes en particulier des femmes, des filles et des enfants, à fuir leur foyer. Ces personnes déplacées internes (PDI) se retrouvent dans des situations très critiques sur les sites d’accueil, et surtout confrontées à plusieurs difficultés. En dépit des besoins basiques de survie, les personnes les plus vulnérables notamment les femmes, les enfants, particulièrement les filles sont confrontées à davantage de défis : déscolarisation, mariages forcés, violence domestique, etc.

Les principaux domaines concernés en dehors de la question sécuritaire sont l’éducation, et la santé. En effet, nous observons impuissantes, la recrudescence du travail des enfants ; les filles, comme les  garçons sont exploités sur les sites  de mines artisanales. En dépit des maladies contractées, ces enfants sont exposés à la violence sous toutes ses formes. Et si ce ne sont pas sur ces sites artisanaux, la majorité des filles se retrouvent dans les grandes villes à la recherche de l’emploi. Elles se retrouvent confiées à des familles ou à des exploitants commerciaux de débit de boisson ; ces mineures se retrouvent donc exposées précocement au monde du sexe, de la drogue et à des violences corporelles.

En plus du travail des enfants, les filles sont victimes d’autres maux jadis réduits en raison de leur présence dans le système scolaire. Nous parlons de l’excision, des mariages précoces et surtout des violences sexistes et sexuelles. Des viols, des décès suite à des sévices, ou des stigmates à vie sont le lot quotidien de millier d’enfants. Les statistiques recueillis par le Conseil National de Secours d’Urgence et de Réhabilitation (CONASUR) à la date du 31 octobre 2021 donne 1 481 701 de PDI, dont 906 963 enfants et 333 244 femmes.

Tous les enfants ont droit à l’éducation, à la santé, à une vie épanouie ; et le respect des droits de l’enfant incombe à toute société et à tout peuple. A ce titre, Le Burkina Faso a ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant le 23 juillet 1990. Il faut par ailleurs préciser que le Burkina reconnait en sa constitution le droit à la santé et à la protection de l’enfance.

Nous invitons donc les partenaires techniques et financiers, les acteurs au développement, et surtout nos dirigeants à plus d’engagement et d’actions afin d’assurer une protection adéquate aux enfants du Burkina Faso. Nous avons ratifié des textes, et nous devons garantir que les droits des enfants burkinabè sont respectés.


Lire plus sur Burkina Faso et les droits des les enfants:

Protecting Girls’ Right to Education: Data-Driven Advocacy in Burkina Faso

Leveraging Data to strengthen Girls’ Education in Emergencies

Éliminer la violence basée sur le genre en milieu scolaire (VBGMS) : Le modèle du FAWE pour protéger l’enfant africain

de Julie Khamati, assistante de programme chez Forum des éducatrices africaines (FAWE).

Bien que les gouvernements d’Afrique subsaharienne reconnaissent la valeur de l’éducation pour tous en tant que moteur du développement économique et national, la violence basée sur le genre en milieu scolaire (VBGMS) continue, à l’échelle du continent, d’être un obstacle à l’accès à l’école et à la participation des apprenants (Union africaine 2020).

Bien qu’elles soient reconnues comme des lieux de développement personnel, d’apprentissage et d’autonomisation, les écoles perpétuent souvent certaines formes de violence et de discrimination, avec un biais particulier à l’encontre des filles. Selon ONU Femmes (2016), 246 millions d’enfants sont soumis chaque année à diverses formes de violence basée sur le genre au sein et autour de l’école. Cette situation est exacerbée dans les situations de conflit et d’après-conflit, ainsi que pour les minorités et les apprenants vulnérables. Certaines des formes courantes de VBGMS comprennent l’intimidation, les châtiments corporels et le harcèlement sexuel (ONU Femmes, 2016). À travers le monde, au moins une fille sur dix âgée de 13 à 15 ans est susceptible de subir des violences sexuelles et, à l’école, les garçons sont susceptibles de subir des châtiments corporels graves (UNESCO, 2017). Des millions d’apprenants vivent dans la crainte de maltraitance physique sous couvert de discipline. En outre, des millions d’apprenants sont confrontés à des obstacles importants pour se rendre à l’école tous les jours, aussi bien dans les zones rurales qu’urbaines, ce qui a un impact sur leur assiduité générale en classe. Par exemple, dans certains pays, des conducteurs de « boda-boda » ont tendance à s’en prendre aux filles sur le chemin de l’école et à se livrer à des relations sexuelles transactionnelles en échange de produits essentiels tels que des articles sanitaires et des repas (Education News, 2022).  

Des efforts ont été déployés à l’échelle mondiale pour lutter contre la VBGMS, les écoles faisant office de centres de prévention de la violence (ONU Femmes, 2016). L’Union africaine, par le biais de sa Stratégie continentale d’éducation pour l’Afrique 2016-2025 (CESA 2016-2025), dans le cadre du pilier 3, défend la nécessité d’éliminer toute forme de violence dans les établissements scolaires et de formation. En outre, la Stratégie d’égalité des genres pour la Stratégie continentale d’éducation pour l’Afrique (GES4CESA), élaborée par le FAWE pour le compte de l’Union africaine, illustre les engagements pris pour lutter contre la VBGMS dans les établissements d’enseignement.

Il est essentiel de comprendre les différences contextuelles dans les pays africains pour prévenir et traiter la VBGMS dans les établissements d’enseignement. Récemment, le FAWE a élaboré un manuel d’approche miroir en réponse à un appel mondial pour prévenir la VBGMS, y répondre et adopter des mécanismes pour y mettre fin. Ce manuel s’inspire fortement des meilleures pratiques documentées dans les modèles du FAWE, notamment la Pédagogie sensible au genre et Tuseme « Exprimons-nous ![1] ».  Compte tenu de la compréhension par le FAWE du contexte africain, ce manuel recommande des solutions et des mesures préventives adaptées au contexte. Le manuel de l’approche miroir du FAWE sur la VBGMS est double et, en tant que tel, cible à la fois les administrateurs scolaires et les apprenants, et vise à renforcer leur capacité à identifier la VBGMS, la prévenir et y répondre. Enfin, il propose également des outils de suivi et d’évaluation qui permettent de contrôler l’efficacité des mesures mises en place dans les écoles pour prévenir les VBGMS.

La lutte contre la VBGMS nécessite des efforts concertés de la part de différents partenaires et le FAWE continue de mener des interventions visant à éliminer toutes les formes de violence à l’école et à promouvoir l’accès, l’inscription et la performance des apprenants à l’école.


[1] Tuseme (« Exprimons-nous ! » en kiswahili) permet aux jeunes filles d’être autonomes et sensibilisées aux questions de genre en améliorant leur estime de soi, leur leadership, leurs compétences sociales et de la vie ; ce programme favorise une attitude positive des garçons envers l’éducation des filles.

Protéger le droit des filles à l’éducation : plaidoyer guidé par les données au Burkina Faso

Le Burkina Faso est confronté à une crise sécuritaire préoccupante, qui ravage le nord et l’est du pays depuis 2015. Les personnes les plus touchées par la violence sont les femmes et les enfants de moins de 15 ans, dont la grande majorité sont des filles. Les filles se retrouvent dans une situation encore plus compliquée du fait de la déstabilisation d’un système de santé déjà fragilisé par la pandémie de COVID-19 qui a frappé le pays pour la première fois en mars 2020.

Les attaques ont forcé des millions de personnes – en particulier des femmes, des filles et des enfants – à fuir leur foyer. L’une des attaques récentes les plus violentes s’est produite dans la nuit du 4 au 5 juin 2021 à Solhan, dans la province de Yagha (nord-est du pays), faisant environ 132 morts selon le gouvernement.  Depuis cette attaque, près de 7 000 personnes auraient fui la région touchée[1].

L’éducation étant désormais une nouvelle cible du terrorisme, un grand nombre de filles prennent du retard dans leur scolarisation lorsqu’un attentat se produit. Début mars 2020, le ministère de l’Éducation, de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales (MENAPLN) a signalé que plus de 2 500 écoles avaient été fermées en raison d’attaques ou d’insécurité, avec un impact négatif sur 350 000 élèves. Ces données dissimulent la situation souvent occultée et préoccupante de la scolarisation des filles, celles-ci faisant partie des principales victimes des attentats. Les données recueillies auprès du secrétariat technique pour l’éducation en situation d’urgence montrent que, le 5 février 2021, 2 212 écoles étaient fermées. Ces fermetures ont directement touché 147 577 filles et 12 366 enseignants, dont 4 481 de femmes[2]. Au Burkina Faso, la crise sécuritaire compromet l’accès des filles et des femmes à l’éducation et les expose en même temps à des violences basées sur le genre, telles que le mariage des enfants, les grossesses précoces, les abus sexuels et le viol.

Les solutions pour mettre fin à la déscolarisation des filles et à la spirale de violence à laquelle elles sont exposées passent par un plaidoyer auprès des décideurs politiques. Les organisations de défense des droits des femmes au Burkina Faso mènent des campagnes visant à mettre fin à toutes les formes de violence basée sur le genre, à encourager l’éducation des très jeunes enfants, à développer le leadership et à autonomiser les femmes et les filles. Cependant, elles sont confrontées à de nombreuses difficultés liées au manque de données réelles et tangibles. Grâce à un financement du gouvernement canadien, l’Initiative Pananetugri pour le Bien-être de la Femme (IPBF) et son partenaire, EM2030, répondent à cette préoccupation en mettant en œuvre le projet « Plaidoyer guidé par les données en faveur de l’éducation des filles dans les situations d’urgence en Afrique ».

L’une des activités phares de ce projet est le plaidoyer en collaboration avec le réseau d’associations partenaires de l’IPBF. Ces organisations sont au nombre de 25, réparties dans huit régions du Burkina Faso. Le réseau est composé d’associations, d’ONG et d’organismes publics qui traitent des questions concernant les droits des filles et des femmes, en particulier l’éducation des filles. Elles sont réparties en trois groupes de travail représentant trois régions du Burkina : la Boucle du Mouhoun, le Centre et le Centre-Nord. Des campagnes de plaidoyer basées sur des données et des éléments concluants seront menées dans les trois régions et au niveau central. L’objectif consiste à influencer les personnes chargées de prendre des décisions pour qu’elles fassent une priorité de l’éducation des filles et des femmes en situation de crise et/ou déplacées pour cause d’insécurité. 

Chacun de ces groupes de travail préparera une étude de cas sur des sujets liés à l’éducation des filles dans les situations de crise dans leur région, afin de pouvoir avoir accès à des données concluantes et de produire des éléments de preuve à l’appui de leurs efforts de plaidoyer. Il est également prévu de mener quatre grandes campagnes de plaidoyer dans différentes régions : la première étant la communication par le biais des médias de masse (radio et télévision) ; la deuxième étant des réunions avec les décideurs régionaux du secteur de l’éducation (maires, conseillers municipaux, gouverneurs, directeurs régionaux de l’éducation, présidents des conseils régionaux, directeurs régionaux de l’enseignement préscolaire, primaire et non formelle et directeurs régionaux de l’enseignement post-primaire et de l’enseignement secondaire) ; la troisième étant la participation à des organes de décision tels que des tables rondes régionales et nationales, des réunions du conseil municipal, le bureau du secrétariat permanent du Conseil national pour la promotion du genre (SP CONAP Genre) et la révision des plans de développement régional ; et enfin la quatrième étant une réunion avec le ministre de l’Éducation nationale et de la Promotion des langues nationales.

L’engagement affiché par l’IPBF et ses partenaires représente une lueur d’espoir pour les organisations de défense des droits des filles et des femmes et pour des milliers de jeunes filles et adolescentes touchées par la crise sécuritaire, qui rêvent de poursuivre leur scolarité et d’avoir les mêmes chances de réussite que les autres.


[1]  TV5Info:https://information.tv5monde.com/video/burkina-faso-l-attaque-la-plus-meurtriere-depuis-2015

[2] Source : carte des données commandée par EM2030, avril 2021

Souffrance silencieuse : les filles en marge de l’éducation au Kenya

Par Monica Mararo

Dans les situations de crise, de nombreux obstacles compliquent le parcours éducatif des filles. Ces obstacles sont liés à la violence fondée sur le genre, au mariage forcé ou au problème des grossesses précoces. Au Kenya, les filles des communautés d’accueil de Turkana et les jeunes filles réfugiées vivant en milieu urbain dans le quartier défavorisé d’Eastleigh, à Nairobi, sont désavantagées à toutes les étapes de leur éducation et luttent pour avoir le droit d’apprendre, nonobstant leur extrême vulnérabilité. Dans les contextes fragiles et de crise, l’éducation est une bouée de sauvetage pour elles. Malheureusement, de nombreuses filles restent en marge de l’école et sont confrontées à des difficultés en raison de leur sexe, ce qui leur fait prendre du retard et les plonge plus encore dans la pauvreté.

Au début de la pandémie de Covid-19, le gouvernement kényan a décrété la fermeture des écoles et des établissements d’enseignement, au titre des mesures prises pour atténuer le risque de transmission du virus de personne à personne et minimiser sa propagation communautaire. Mais les filles ont plus ressenti les effets adverses de la pandémie que les garçons. Pendant la période de fermeture scolaire, les filles ont manqué de nourriture et de serviettes hygiéniques, aides souvent fournies par les centres éducatifs et les ONG. La plupart d’entre elles n’ont pas pu accéder au matériel éducatif depuis chez elles, et n’ont pas eu accès aux autres canaux d’apprentissage. Par exemple, les foyers, pour la plupart, n’ont pas de radio ; par conséquent, les filles n’ont pas bénéficié des programmes de radiodiffusion scolaires assurés par l’Institut kenyan de développement des programmes d’études (KICD). Elles n’ont pas non plus eu accès à des ordinateurs ou à des smartphones pour assister aux cours à distance. 

Selon l’étude de cas menée par le FAWE au Kenya, la performance du comté de Turkana pour que les filles restent à l’école une fois inscrites est assez médiocre. La réduction de leur nombre est prononcée au fur et à mesure qu’elles avancent dans le cycle d’études. En 2020, par exemple, 700 filles ont passé le certificat d’enseignement primaire (CEPK) contre 997 garçons, ce qui signifie que plus de garçons que de filles ont terminé le cycle primaire dans la communauté d’accueil. Les communautés rurales d’accueil font montre d’une attitude négative envers l’éducation des filles, et croient qu’elle n’est que facultative. Les filles restent à la maison et travaillent aux tâches ménagères et autres (s’occupant des troupeaux de chèvres, etc.). Le but est de les marier pour recevoir la dot. Les pères considèrent que les filles sont leur propriété et que c’est leur droit de décider quand elles doivent être « perlées » et mariées, en échange de vaches et de chameaux. Les écoles sont considérées comme des lieux où les filles sont exposées à des idées « étrangères » comme le sexe, l’avortement, la consommation de drogues, et où elles peuvent tomber enceintes. Les barrières linguistiques, l’impréparation des enseignants, les attitudes négatives envers l’éducation, le manque de discipline des filles et d’exemples à suivre sont autant de facteurs qui conduisent à leur échec scolaire. 

De nombreuses filles sont victimes de violences et de l’extrémisme à la maison et à l’école, et elles subissent des châtiments corporels sous prétexte qu’il faut leur inculquer de la « discipline ». Les rôles culturellement définis et fondés sur le genre ont mené à des écarts entre les filles et les garçons en termes de chances d’acquérir une éducation. Les tâches de nettoyage et de préparation des repas, ainsi que le fait de devoir aller chercher de l’eau, vendre de bois de chauffage ou du charbon de bois sont le lot quotidien des filles. Ces activités occupent presque tout leur temps, de sorte qu’elles n’ont pas la possibilité d’étudier comme les garçons.

Quand les familles fuient pour des raisons de sécurité, les jeunes filles sont immanquablement privées d’éducation. De nombreuses familles urbaines ont fui la Somalie pour échapper au recrutement forcé par les forces militarisées et à l’enlèvement d’enfants, et elles se sont retrouvées dans des camps de réfugiés à Eastleigh, Nairobi. La majorité (30,8 %) a fui vers le Kenya, craignant les enlèvements par les milices, et une proportion moindre (26,9 %) a été chassée par la guerre et les actes de violence interne. De nombreuses filles ont été forcées de fuir aussi la persécution, la guerre, le mariage forcé, ou encore les mutilations génitales féminines. En dépit de l’instabilité dans leur pays d’origine, elles ont néanmoins cherché à poursuivre leur éducation, à trouver un emploi ou à vivre dans des conditions plus favorables. 

À Eastleigh, quartier de Nairobi, les filles réfugiées qui auparavant allaient à l’école se sont vu refuser le droit à l’éducation parce qu’elles n’avaient pas présenté la documentation adéquate. Un nombre réduit d’établissements, six écoles publiques et deux écoles privées, acceptent d’inscrire les filles réfugiées vivant en milieu urbain. Les salles de classe sont pour la plupart en surnombre, et les enseignants n’ont pas les compétences requises pour répondre à leurs besoins. Le manque de statut juridique, de documents essentiels comme une pièce d’identité ou un certificat de naissance, ou de certificats de scolarité préalable, documentation requise pour s’inscrire, constitue un obstacle important. 

En outre, ces filles réfugiées n’ont pas de moyen de transport pour aller en toute sécurité à l’école – 59 % mentionnent la distance comme un obstacle important à leur éducation. En général, en raison du temps nécessaire pour s’établir, la plupart des filles réfugiées en milieu urbain deviennent trop âgées pour le niveau scolaire, que ce soit le cycle primaire ou secondaire, qui leur convient. Et en raison de leur couleur ou de leur taille, elles sont ridiculisées et sont la risée des autres élèves. Par exemple, certaines jeunes filles réfugiées du Soudan du Sud ne peuvent pas aller à l’école en raison des préjugés entourant leur apparence physique, en particulier la couleur de leur peau et leur taille, et abandonnent leur scolarité pour travailler, principalement en tant qu’employées domestiques.

Interventions du FAWE Kenya

L’organisation FAWE Kenya s’efforce de faire en sorte que toutes les filles puissent accéder à l’éducation, ce qui favorise une certaine stabilité, surtout pour les plus vulnérables. Les filles instruites sont plus productives et sont équipées d’outils pour résoudre les différends pacifiquement. Il est démontré qu’une éducation de qualité encourage la tolérance et aide à résister au recrutement dans les forces extrémistes violentes. 

Pour surmonter les obstacles à l’inscription des filles à l’école, à leur maintien en milieu scolaire et à l’achèvement de leur cursus, en particulier dans les communautés d’accueil de Turkana et à Eastleigh, le FAWE Kenya travaille de manière proactive avec la communauté pour faire progresser la parité dans l’éducation. Le FAWE encourage aussi l’engagement des parents et la participation des filles à la planification de l’éducation dans les situations d’urgence. Le forum est persuadé que cela aidera à cibler la réponse d’une manière qui profite aux filles et à permettre que leurs voix soient entendues.

Il appuie le secteur de l’éducation et les parties prenantes en vue d’influencer de manière constructive la prise de décisions et les allocations budgétaires aux niveaux national et régional. Grâce à son programme EIE (éducation dans les situations d’urgence) bien conçu, le FAWE veille à ce que la qualité de l’éducation des filles soit une priorité absolue. Avec la collaboration des groupes de travail de Nairobi et de Turkana pour le plaidoyer, un large éventail d’obstacles à l’éducation des filles peut être abordé, notamment en utilisant des stratégies, des outils et des approches axés sur les données et tenant compte des sexospécificités pour placer l’égalité de genre au cœur de l’EIE. 

Des recherches approfondies ont été menées pour documenter des stratégies fondées sur des éléments factuels et probants, permettant de modifier le parcours des filles qui grandissent dans des contextes de crise en renforçant notamment leur résilience et leur potentiel pour les habiliter à reconstruire leur vie et à refaçonner leur communauté. Les recherches conduites par le FAWE ont permis de suivre une analyse comparative fondée sur des données, qualitatives et quantitatives, ventilées par sexe et d’autres variables, afin d’identifier et de comprendre les disparités de genre et les normes et pratiques sexospécifiques liées aux difficultés d’accès et d’apprentissage pour les filles vivant dans la communauté d’accueil de Turkana et celles réfugiées en milieu urbain à Eastleigh, Nairobi. Des données documentées ont été désagrégées et nuancées pour appréhender ce qui se passe et pourquoi. Ces données essentielles seront intégrées dans les évaluations et les réponses du secteur de l’éducation kenyan et utilisées pour éclairer la conception et la mise en œuvre du programme, de partenariats, ainsi que le suivi et la communication de rapports visant à accélérer l’égalité pour les filles dans les situations d’urgence. 

Les efforts de plaidoyer servent aussi à canaliser des réponses multisectorielles pour faire face à l’éventail complet des difficultés qui font barrière à l’éducation des filles, tout en assurant la participation communautaire et en établissant des mécanismes de redevabilité. Par exemple, dans le comté de Turkana, grâce au programme « Wasichana Wetu Wafaulu», des serviettes sanitaires sont fournies par le ministère de l’Éducation. Le FAWE Kenya s’engage à exiger des comptes aux responsables de l’éducation du comté pour que les filles les plus pauvres et les plus nécessiteuses de la communauté d’accueil puissent obtenir cette aide et fréquentent l’école régulièrement comme les autres enfants.

Il demeure néanmoins nécessaire d’améliorer la coordination entre le gouvernement, les OSC et d’autres parties prenantes afin de garantir l’éducation des filles dans les situations d’urgence et d’encourager les communautés à la soutenir.

Tirer parti des données pour renforcer l’éducation des filles dans les situations d’urgence

Par Nadia Ahidjo, gestionnaire de programme – L’éducation des filles dans les situations d’urgence en Afrique subsaharienne

Lorsque nous examinons l’ensemble des projections publiques pour 2021 et les perspectives de réalisation des Objectifs de développement durable (ODD), ce qui est particulièrement déprimant dans ce panorama tient à mon sens au fait que si nous continuons ainsi sans rien modifier, il faudra attendre 2050 pour que les filles du monde entier aient une chance d’accéder à l’école primaire. En dépit des nombreux engagements pris envers les petites filles à travers les ODD, des nombreuses lois et politiques adoptées par les pays, et des ressources importantes qui sont allouées à l’éducation pour toutes et tous, le nombre de filles qui vont à l’école ou suivent un apprentissage est bien inférieur à celui qui devrait normalement être enregistré. En Afrique subsaharienne, plus de 30 % des filles en âge de fréquenter l’école primaire ne sont pas scolarisées.

Et lorsque l’on observe les pays où se déroulent des conflits et des actes terroristes et qui sont donc fragiles, le tableau s’assombrit. Sur le continent africain, il semble qu’il n’y ait pas de fin en vue à l’instabilité, qui constitue un obstacle à l’éducation des filles. L’année 2020 devait être une année charnière pour l’Union africaine, puisque l’ambition était de « faire taire les armes» et de marquer la fin des conflits. Malheureusement les tendances actuelles nous disent nous content une histoire bien différente.Nous observons des taux croissants de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDI). Je dirais même qu’ils sont alarmants, puisqu’à à la fin de 2019 le nombre de ces dernières était estimé à plus de 5 millions rien qu’en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Cela représente une augmentation de plus de 30 % en à peine 12 mois. Et outre, en dépit de ces chiffres astronomiques, les réfugiés et les PDI demeurent invisibles et sont rarement pris en compte dans les politiques nationales, ce qui limite gravement leur accès à une éducation de qualité dans les situations d’urgence. Les interventions humanitaires proposent des mesures palliatives, mais leur couverture est limitée. En 2019, à peine 2,6 % des fonds de l’aide humanitaire ont été affectés à l’éducation.

La situation est encore plus grave pour les filles vivant dans des sociétés de type patriarcal : il ne leur est pas permis d’aller à l’école en temps de crise, et leur parcours éducatif est parsemé d’embûches ; elles sont vulnérables car souvent un mariage forcé ou une grossesse précoce les attend, ou bien elles sont forcées à travailler, sans compter la violence sexiste dont elles sont victimes en milieu scolaire ou en dehors. La pandémie de COVID-19 a exacerbé la situation, celle-ci ayant entraîné la fermeture des établissements scolaires et la diminution des financements destinés à l’éducation des filles dans les situations d’urgence. Cela n’augure rien de bon pour l’avenir.

Le défi est d’assurer l’accès à une éducation de qualité pour les filles, même en temps de crise ; mais il est d’autant plus difficile à relever que les données font défaut, alors qu’elles peuvent aider à combler les lacunes, tant pour les garçons que pour les filles. Faute de données pertinentes, il n’est pas possible d’adapter les ressources existantes aux besoins réels sur le terrain, en particulier dans les moments de crise. Et si des données existent, il est rare qu’elles soient exploitées de façon à permettre aux responsables politiques d’être informés et d’agir en conséquence. Une étude récente menée par l’Agence française de développement a révélé que « bien que la collecte de données sur l’éducation ait connu une expansion considérable en Afrique subsaharienne, peu de pays disposent de systèmes de données solides, et moins encore les exploitent pour améliorer leur système éducatif ».

Pour Equal Measures 2030, ces défis doivent non pas nous décourager, mais nous engager à collaborer avec les acteurs locaux qui poursuivent leur travail auprès des femmes et des filles vulnérables tant en période de stabilité qu’en situation de crise. Nous parlons ici des organisations locales de défense des droits des femmes. En travaillant avec ces organisations, nous pouvons tirer parti des compétences et de l’expérience des intervenants et intervenantes qui sont au plus près des femmes et des filles dans les communautés affectées. Nous pouvons également explorer de nouvelles approches visant à assurer une éducation de qualité aux filles dans les situations d’urgence. À travers le travail effectué aux côtés des organisations de défense des droits des femmes dans sept pays, Equal Measures 2030 a appris que, lorsque les organisations partenaires fondent leur plaidoyer sur des données, elles sont plus susceptibles d’atteindre leurs objectifs en termes d’influence. Par exemple, Kapal Perempuan, partenaire d’EM2030, a mentionné l’importance des données dans son plaidoyer en faveur de la modification de la loi sur le mariage d’enfants pour les filles en Indonésie, lequel a porté les fruits espérés. Et les efforts de notre partenaire au Kenya, GROOTS, « visant à améliorer la disponibilité et l’utilisation des données sexospécifiques ont été reconnus par le Bureau des statistiques de ce pays. Cette organisation a d’ailleurs été invitée à occuper un siège au sein du Comité interinstitutionnel sur les données statistiques relatives aux questions de genre».

Les données peuvent renforcer le plaidoyer car elles révèlent les tendances qui sont les plus marquées ou qui requièrent attention et action. Les données sont également utiles pour formuler des solutions efficaces, et elles peuvent servir à obliger les gouvernements à rendre des comptes sur leurs politiques et leurs engagements. Cela a été fort bien résumé par l’une de nos partenaires ayant répondu à notre enquête de 2017 sur les besoins en renforcement des capacités : « Quelle que soit la voie suivie, que vous utilisiez des données publiques ou vos propres données probantes, celles que vous produisez, pour moi l’une des questions les plus importantes est celle de savoir comment se servir de ces données pour susciter un changement de politique. Et je pense que c’est un domaine où de nombreuses personnes ont besoin d’un appui. » Equal Measures 2030 (EM2030) soutient les apprentissages spécialement conçus pour les organisations de défense des droits des femmes, notamment sur la façon de comprendre et d’utiliser efficacement les données dans le cadre de leur plaidoyer, et touchant à des sujets tels que l’identification des lacunes mises en évidence par les données et la promotion des mesures visant à combler ces lacunes, ainsi que la communication des données à différents publics, pour n’en citer que quelques-uns.

Conscient du pouvoir des données lorsqu’elles sont à la disposition des organisations de défense des droits des femmes, le gouvernement du Canada, conformément à ses engagements pris dans la Déclaration de Charlevoix et à sa politique étrangère féministe d’aide internationale, a appuyé un partenariat ambitieux avec EM2030 et ses partenaires, le FAWE et l’IPBF[i], basés au Kenya et au Burkina Faso, dont la mission est de promouvoir une éducation équitable et coordonnée pour les filles et les femmes. Ces deux organisations sont connues pour être des leaders d’opinion et des agents du changement dans ce domaine, non seulement dans leur pays respectif, mais aussi sur l’ensemble du continent africain. Le FAWE œuvre à l’autonomisation des filles et des femmes à travers une éducation et des formations de qualité, afin de leur permettre d’acquérir les compétences, les aptitudes et les valeurs requises pour être des membres productifs de leur société. Ce Forum travaille à la promotion de politiques, de pratiques et d’attitudes tenant compte de la dimension du genre, ainsi que d’innovations offrant aux femmes africaines des chances de prospérer dans toutes les sphères de leur vie. L’IPBF cherche à donner aux femmes et aux filles les moyens de défendre leurs intérêts et de surmonter les obstacles. Ses actions sont centrées sur le développement du leadership et de la capacité d’action des filles et des jeunes femmes en particulier.

L’année prochaine, nous travaillerons en étroite collaboration avec nos partenaires et les autres parties prenantes des deux pays, en appuyant les efforts de plaidoyer et de mobilisation qui y sont déployés, dans le but légitime de garantir que les systèmes éducatifs se fondent sur des données et qu’ils tiennent compte de la dimension de genre. Ce partenariat se servira des outils spécialisés et des données d’EM2030, entre autres de l’Indice du genre dans les ODD et du récent rapport Cap sur l’égalité de genre. Ensemble, nous produirons également de nouvelles études et de nouvelles données qui nous aideront à mieux comprendre le paysage et à cartographier les opportunités et les défis concernant l’éducation des filles dans les régions fragiles du Kenya et du Burkina Faso.

À l’occasion de la Journée internationale de l’éducation, nous nous associons à l’UNESCO et à d’autres parties prenantes, dont le Partenariat mondial pour l’éducation, afin de promouvoir la thématique retenue pour 2021, à savoir Récupération et revitalisation de l’éducation pour la génération COVID-19. Si nous réfléchissons à la fragilisation provoquée par les crises et à la manière dont cette pandémie a désorganisé la plupart de nos systèmes éducatifs, il devient de plus en plus urgent de tirer parti des données pour créer et maintenir des espaces d’apprentissage sûrs, accessibles et de qualité pour les filles.

[i] Le Forum des éducatrices africaines (Forum for African Women Educationalists, FAWE) et l’Initiative Pananetugri pour le bien-être de la femme (IPBF).